Pluriel Gay est studieux cet été et propose à ses fans une série d’articles consacrée à la famille. N’en déplaise aux Boutin, Mariton, Wauquiez et autres bonnets de nuit, la structure familiale n’est pas figée dans le temps. Bien au contraire elle est en constante évolution depuis les origines de l’humanité : filiation, parenté, éducation des enfants. « Un ovule + un spermatozoïde = un embryon », au moins sur ce point tout le monde est d’accord ! Et pourtant cela n’équivaut pas toujours au traditionnel schéma un papa, une maman et leurs enfants défendu par la Manif pour Tous et leurs tenants.
Les « Vénus » préhistoriques ont été retrouvées par milliers. En os, en ivoire, en calcaire, elles représentent les capacités reproductrices des femmes. On les retrouvera à travers toute l’Antiquité sous les formes les plus diverses en lien avec les cultes de la fertilité.
De nombreux chercheurs s’accordent pour estimer que pendant des millénaires on ignorait le rôle du sperme dans la procréation : seule la maternité était constatable. Les découvertes de sépultures communes où hommes et femmes étaient inhumés ensemble et indistinctement, les nombreuses statuettes dites des Vénus préhistoriques, mais aussi le recoupement d’études effectuées sur des populations actuelles vivant en Asie ou en Afrique (donc récemment mises en contact avec la société occidentale), laissent imaginer des sociétés primitives organisées en tribus nomades où la filiation aurait été matrilinéaire, la paternité inexistante et les enfants élevés par le clan.
Aux environs de 10 000 ans avant notre ère, les hommes ont commencé à se sédentariser, changement rendu possible par les progrès de l’agriculture et l’élevage, et un système patrilinéaire aurait ainsi émergé, lié à la propriété, à la conservation et à la transmission des biens. L’idée marxiste d’une société patriarcale supplantant dès lors le matriarcat a été nuancée depuis Engels et son essai sur « l’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat » mais sans être complétement infirmée. En effet la somme des découvertes, qui n’a cessé de s’accumuler au fil des ans, a permis de souligner la survivance de mécanismes de type matrilinéaire, y compris dans les sociétés apparemment les plus rétives (Israël, le monde gréco-romain).
Le cas de l’Egypte antique mérite qu’on s’y arrête car l’égyptologie contemporaine, débarrassée de l’occidentalo-centrisme des premiers chercheurs, a apporté de nouvelles connaissances sur la société égyptienne, et, notamment, pour ce qui nous intéresse, sur son caractère matriarcal dont on retrouve des vestiges jusqu’au début de l’ère chrétienne, c’est-à dire suffisamment enraciné pour résister à 300 ans d’influence de ces machos de Grecs ! Le principe mâle et dominateur de Pharaon, véritable dieu vivant, ne doit pas être le chêne qui masque la forêt : sans minimiser la puissance du régime théocratique dans l’Egypte ancienne, les spécialistes des hiéroglyphes ont réussi à tracer l’évolution sémantique du terme même de « pharaon », à l’origine un nom générique désignant non pas un seul homme, mais tout le clan régnant.
Le statut social de la femme en Egypte antique était absolument équivalent à celui de l’homme.
Archéologues, historiens et anthropologues ont ainsi mis en lumière le système de filiation matrilinéaire et le statut social élevé des femmes de l’Egypte antique, du moins en ce qui concerne les strates supérieures de la société : elles transmettent leur nom à leurs enfants, elles conservent dans le mariage leurs biens propres, tandis qu’elles peuvent demander le divorce et dans ce cas leurs biens et leurs enfants les suivent. De fait les familles peuvent-elles fissionner ou fusionner : ce sont les femmes qui assurent la cohésion du clan. Une constante dans les sociétés matrilinéaires est l’importance jouée par l’oncle maternel qui transmet ses biens aux enfants de sa sœur et détient sur eux une autorité et un rôle éducatif majeur. Le père, on le voit, ne joue pratiquement aucun rôle, en dehors de la procréation. Cette filiation (dite avunculaire) semble expliquer le mariage incestueux de Pharaon et de sa (voire de ses) sœur(s), inspiré de l’union sacrée des divinités Isis et Osiris : les chercheurs pensent que le mariage n’était pas consommé, pour éviter les risques liés à la consanguinité.
Ce n’est donc pas en Egypte antique qu’il convient de chercher le modèle de la famille telle qu’elle s’est constituée aujourd’hui ! Il s’agit essentiellement d’un héritage de deux civilisations antiques qui ont opéré une synthèse dès les débuts de l’ère chrétienne : la civilisation des tribus d’Israël et celle du monde gréco-romain.
(A suivre…)
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